Le projet Faire Refaire
Ce gilet représente la transformation d’un obstacle en réussite, une parmi tant d’autres pour les Autochtones. L’histoire occidentale aimerait vous faire croire que les Premières Nations et les communautés autochtones accusaient et accusent toujours un retard technologique, que nos coutumes sont désuètes, que le temps nous a oubliés et que nous sommes incapables de comprendre le monde contemporain. Que nos réalisations se limitent aux franges en cuir, aux tipis et au pain frit.
Des objets comme ce gilet, qui démontrent clairement que nous pouvons non seulement apprendre à utiliser de nouvelles matières, mais aussi maîtriser parfaitement de nouvelles méthodologies et les adapter à nos cultures, contredisent cette impression.
Ce gilet ne sert pas seulement à réfuter les stéréotypes. J’espère qu’il sensibilise les communautés autochtones au fait que les descriptions données dans les manuels scolaires sont réductrices. Nos communautés ont le droit de revendiquer ces connaissances et ces pratiques. J’espère que ce projet servira à remettre tout le monde – ceux et celles qui vivent dans les réserves et en milieu urbain et ceux et celles qui sont peut-être en voie de découvrir leur identité – en prise avec nos histoires collectives. Ce projet vise à renouer avec les usages anciens et l’intention liée à la démarche de création, que vous soyez traditionnels ou contemporains, que vous suiviez ou non le patron. C’est en faisant que nous nous rapprochons le plus de nos ancêtres. Les moyens, les matières et les méthodes peuvent changer, mais nos intentions seront toujours les mêmes.

Ana Morningstar
Ana est une artiste autochtone multidisciplinaire de Los Angeles inscrite au Programme de culture visuelle autochtone de l’UEADO (OCAD University) de Toronto. Spécialiste à l’origine de l’illustration à l’encre et de la sérigraphie, Ana explore maintenant les textiles en tant que technique et méthode.
Ce gilet se veut un moyen de préserver la culture, la cérémonie et la tradition. Les stéréotypes et l’absence de contexte historique portent plusieurs personnes, y compris des Autochtones, à croire que nos histoires et techniques collectives étaient « primitives » et donc lacunaires. Des gilets comme celui-ci font mentir cette opinion. Ils démontrent au contraire que nos communautés n’ont pas hésité à utiliser de nouvelles matières et à les adapter à leurs besoins. Ce projet encourage un regard rétrospectif et rétablit des liens qui ont peut-être été perdus ou qui se sont peut-être gravement détériorés. Ana espère que cette série didactique pourra donner à la génération actuelle et aux suivantes le moyen de communiquer avec leurs ancêtres par la démarche de création.
L'objet ancestral

Gilet d’apparat pour homme
Gilet de danse // Dakota, Cri des Plaines ou Ojibwé des Plaines // Manitoba, Canada // laine, coton, perles // v. 1890 // 50,3 x 50 cm
Les Anishinabes dansaient à de nombreuses occasions : cueillette de nourriture dans la communauté pour les fêtes, échanges rituels de cadeaux, cérémonies d’initiation de la Grande société de médecine (Midewiwin), départs des guerriers et célébrations des victoires. À la fin du 19e siècle, face à la forte opposition de l’Église et du gouvernement, les communautés autochtones ont réagi en inscrivant leurs danses au calendrier des événements des colons, y compris les célébrations de la Fête du Canada et du 4 juillet, les foires agricoles et les jours de paiement prévus par les traités.
Sa démarche
Ana s’intéresse à la mode des pow-wows et à l’influence des matières et techniques occidentales sur la confection traditionnelle de vêtements qu’elle voit comme une forme d’adaptation et d’endurance. Elle s’est posé deux questions, en premier :
« Comment ce vêtement a-t-il été fabriqué ? »
Sa deuxième question était la suivante : « Est-ce que je peux transposer cette méthode sous forme de patron susceptible d’être reproduit par d’autres Autochtones ? » Elle a donc créé une série de patrons et d’instructions téléchargeables et des tutoriels afin de permettre à ceux et celles qui voient ce gilet de faire le leur.
« Ma décision de donner des instructions pour la reproduction d’un gilet contemporain s’inspire d’un objet de la collection du Musée royal de l’Ontario et de photos de la broderie perlée de Barry Ace, et surtout de la performance, A Reparative Act, qu’il a donnée en 2010 à Paris. »
« Ace a joué A Reparative Act pour rendre hommage aux danseurs autochtones qui ont visité Paris en 1843 en tant que membres de la troupe de danse de George Caitlin. Il a dansé en costume d’apparat à quatre endroits au centre-ville de Paris pour honorer quatre des danseurs : Maungwaudaus (Grand héro) au Louvre ; Noodinokay (Orage déchaîné) au Jardin des Tuileries ; Mishshemong (Roi des huards), à la Place de la Concorde ; et Saysaygon (Giboulée), à L’esplanade des Invalides à l’occasion de l’inauguration de l’installation Paris/Ojibwa de Robert Houle au Centre culturel canadien. Des photos de ses réinterprétations contemporaines des costumes de danse traditionnels ont confirmé chez moi la pertinence encore aujourd’hui du perlage dans nos communautés. »