Meagan Van Capelle
Entretien avec Elwood Jimmy

La réalisation de ce projet a nécessité une douzaine de mois de travail et mérite qu’on s’y attarde.
Au début, j’ai privilégié la communication, c’est-à-dire les jambières comme moyen d’expression, comme moyen de savoir et comme moyen d’apprentissage. Le titre de mon projet Connexion / Continuité / Communication / Créativité est le résultat direct de cette approche. Je cherchais à démontrer que la mode est un commentaire sur la personne qui porte le vêtement, qu’elle permet à une personne de prendre contact avec soi-même, avec sa famille ou avec des gens de même sensibilité. À souligner la continuité de la mode : les jambières se comparent à la mode d’aujourd’hui et les styles empruntent souvent au passé. Ou encore que les secrets de la confection sont transmis par des membres de la famille ou de la communauté, voire des « étrangers » en ligne.
Je voulais aussi en grande partie privilégier la collaboration et ce, pour deux raisons. Premièrement, n’étant pas Autochtone, je ne voulais pas faire preuve de « liberté artistique » dans mon interprétation des jambières (ce qui renvoie aux questions entourant l’appropriation culturelle. Je cherchais plutôt à les traiter avec respect. Je voulais aborder la conversation qui dépasse largement le cadre de mon projet et mes connaissances de la mode autochtone. Deuxièmement, je suis d’avis que la collaboration fait partie intégrante de la mode. Je sais par expérience qu’apprendre à coudre et à créer nécessite à la fois une écoute et une pratique. Je tenais à ce que mon projet en soit le reflet.
Je voulais que mon projet soit axé sur la collaboration, mais je n’avais aucune idée de l’importance de la communication dans ce processus. À maintes reprises durant la réalisation du projet, je doutais, je ne savais pas trop comment travailler en collaboration avec les jambières, encore moins avec d’autres personnes.
J’ai souvent dit à la blague que je n’étais pas créative et c’est ce qui m’empêchait d’aller de l’avant. En fait, ce qui me freinait c’est le fait que je ne connaissais pas suffisamment les jambières. La question de l’appropriation me préoccupait. Je marchais sans cesse sur des œufs de peur de manquer de respect concernant les jambières. Par prudence, j’oubliais que les jambières en disaient long, j’oubliais justement leur pouvoir de communication.
(Écouter ne se traduit par toujours par l’intériorisation et, dans ce cas, par la création.)
Les jambières m’ont appris que la communication précise mène à une collaboration respectueuse. Énoncer ses attentes, poser des questions et écouter attentivement permet à tous les participants de se sentir à l’aise et de partager ce qu’ils souhaitent partager.
J’ai eu de formidables occasions d’écouter et de poser des questions durant les huit premiers mois du projet. Nous avons eu de nombreuses séances de critique avec des spécialistes. J’ai eu l’occasion de parler à Elwood Jimmy en juillet dernier. Il a jeté un jour nouveau sur mon projet malgré la mauvaise qualité technique de Skype. Il a abordé la question de la temporalité d’une façon qui à mon avis se rapporte au projet Découvrir/Reconstruire et à la leçon sur la communication que m’ont apprise les jambières.
Elwood m’a dit qu’il s’est toujours intéressé à ce genre de tissage du passé, du présent et de l’avenir. À son avis, ce rapport différent et radical avec la temporalité est un pilier de l’indigénéité.
Je crois que, par le passé, les jambières en disaient long à ceux qui venaient communiquer avec la personne qui les portait. Aujourd’hui, du fond de leur tiroir dans les réserves du ROM, elles continuent de parler. Elles m’ont parlé de collaboration et de communication de façon inédite. J’imagine qu’à l’avenir, logées dans une temporalité numérique, elles continueront de communiquer.